Décès de Robert BADINTER
13 février 2024Le 6 février 2024 (Cass. Crim 6 février 2024, n°23-80109), la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé les contours de l’indemnisation du préjudice sexuel d’une victime de viols alors qu’elle était mineure.
Le préjudice sexuel selon la nomenclature Dintilhac
Le préjudice sexuel est un préjudice extra-patrimonial permanent, c’est-à-dire qu’il correspond au préjudice conservé par la victime après que la consolidation de son état soit intervenue.
Il est défini de façon subjective (« in concreto »), en fonction des doléances de la victime et selon la nomenclature précitée, ce que confirme la Cour de cassation (Cass. Civ. 2ème, 17 juin 2010, n°09-15842) peut prendre trois formes :
– L’atteinte aux organes sexuels, le préjudice « morphologique »
– La perte de plaisir lié à l’acte sexuel (avec notamment l’atteinte à la libido, la perte de capacité physique de réaliser l’acte ou d’accéder au plaisir)
– Le préjudice lié à l’impossibilité ou à la difficulté de procréer.
Dernièrement, la chambre criminelle de la Cour de cassation a été amenée à statuer sur le préjudice sexuel et notamment la perte de libido, d’un jeune homme victime de viols lorsqu’il était mineur.
Perte de libido d’un jeune homme victime de viols
La Cour d’appel d’Orléans avait considéré que la victime ne pouvait solliciter d’être indemnisée au titre de la perte de sa libido, compte tenu du fait qu’il ressortait de la procédure que celui-ci n’avait jamais eu aucune relation sexuelle postérieurement aux faits criminels, ni pendant l’adolescence, ni pendant sa vie d’adulte.
Il était notamment relevé par la juridiction du second degré que le jeune homme avait pu indiquer que le sexe ne l’intéressait pas, qu’il s’était confié à un ami sur le fait qu’il n’était attiré ni par les hommes, ni par les femmes et qu’il envisageait d’embrasser une carrière ecclésiastique.
Dans ces conditions, la Cour d’appel avait considéré qu’il ne subissait aucun préjudice sexuel compte tenu qu’en l’absence de libido, il n’avait jamais eu d’intérêt pour le sexe.
Le 6 février 2024, la chambre criminelle a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans au visa du principe de réparation intégrale, au motif que :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’absence de libido constatée à l’adolescence et à l’âge adulte, de nature à constituer un préjudice sexuel, n’avait pas pour cause les faits de viols subis dans l’enfance, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».
Conséquences de la décision en matière de réparation du préjudice corporel
Ainsi, la chambre criminelle déplore que la juridiction du second degré n’ait pas pris en compte le fait que les viols étaient intervenus alors que la victime était âgée de 8 à 10 ans, de telle sorte qu’elle n’avait pas pu avoir de relation sexuelle et donc, expérimenté le fait d’avoir une libido.
Dans son arrêt de cassation, la chambre criminelle rappelle que la libido est bien une composante du préjudice sexuel et que lorsqu’il est saisi de cette question, le juge du fond doit se prononcer son imputabilité ou non, au fait dommageable.